Le village de Tuwani ne jouit pas de beaucoup de commodités : mis à part l'école et la mosquée, il y a un petit magasin et une pompe à essence, et c'est à peu près tout. Pour beaucoup d'autres choses (indispensables), les gens se rendent à Carmel ou à Yatta. Ils doivent emprunter une piste poussiéreuse, non asphaltée, pleine de bosses et de nids-de-poule. De loin, on peut voir les panaches de poussière des véhicules qui empruntent cette route.
Lorsque nous sommes arrivées à Tuwani, cette route était un véritable parcours du combattant. Des piles de dalles étaient chargées dans des brouettes par des garçons de 12 ans. Des adolescents plus âgés et des jeunes hommes lissaient la surface de la route et posaient les dalles. De petits enfants avaient installé des stands branlants le long de la route et distribuaient de l'eau et du café aux ouvriers et à leurs admirateurs.
Une bonne partie de la route avait été améliorée - à la main et (comme je l'ai appris plus tard) par des bénévoles. Le conseil municipal n'était pas impliqué. Puis, les constructeurs de routes se sont emparés d'un petit compacteur et ont fait du bon travail avec - de sorte que l'armée d'occupation est intervenue.
Une route digne de ce nom fait partie des infrastructures que l'armée d'occupation n'autorise pas à Masafer Yatta. La politique de l'état major consiste à rendre la vie des habitants de la région aussi difficile que possible.
Les soldats sont arrivés pour confisquer la machine ; les habitants ont débarqué pour la défendre.
Nous avons été appelées sur place également, et étions présentes aux côtés des activistes de solidarité israéliens.
périmètre!
En prenant cette photo, j'avais un vif souvenir de mes mois à Calais. Mêmes injustices, pays différent : les autorités mettent en œuvre des politiques qui constituent une violation flagrante des droits humains et du droit international. Elles menacent les civils, détruisent le biens personnels et tentent de rendre difficile le fait d'être témoin et de filmer leurs actions irrégulières (en établissant un périmètre sous la menace d'une arme). Les forces de l'ordre filment illégalement les civils à l'aide de leurs téléphones personnels.
À Tuwani, la tension était palpable, car on était conscient qu'un Paléstinien peut se faire tirer dessus ou arrêter à tout moment. Les enjeux immédiats sont plus élevés qu'à Calais. Cependant, les petits garçons ont continué à distribuer de l'eau et du café, maintenant le moral des manifestants comme ils l'avaient fait pour la main-d'œuvre. Des chaises ont été apportées pour que les témoins puissent regarder et filmer depuis les bords de la route, tout en sirotant leurs boissons.
Ce jour-là, le commandant des forces d'occupation a déclaré que son coeur s'était laissé attendrir en voyant tout le dur labeur qui avait été accompli. Il a accepté de ne pas confisquer la machine, mais a insisté pour que les travaux soient interrompus jusqu'à ce qu'un permis soit accordé par les autorités israéliennes. (La route se trouve dans la zone B, théoriquement sous contrôle conjoint).
Environ une semaine plus tard, le problème s'est à nouveau posé et un militant (israélo-américain ?) a été arrêté. (more info)
La bataille pour une existence digne recommence tous les jours.
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